Faire ses courses dans un
supermarché quand on est en fauteuil roulant n’est pas toujours des plus aisés.
Celui qui a connu une difficulté momentanée à se mouvoir – jambe dans le
plâtre, crise de sciatique… – réalise combien il est difficile d’extraire d’une
palette les volumineux packs d’eau minérale ou d’atteindre le pot de confiture
placé à deux mètres du sol.
Les rayons des grandes surfaces
ont été conçus pour des gabarits de basketteurs et il faut souvent demander
l’aide d’un plus grand pour se procurer un certain nombre de produits mis hors
de portée des enfants, des personnes de petite taille, âgées, handicapées, sans
oublier les femmes enceintes ! Au final, cela représente un nombre non
négligeable de clients qui sont gênés par ce manque apparent de praticité qui
répond à des objectifs de marketing : des produits ciblés sont placés
stratégiquement à la bonne hauteur pour favoriser le réflexe d’achat.
Quelle personne handicapée n’a
pas rêvé d’un supermarché où tout serait à portée de main ? Une
solution : le fauteuil électrique avec élévateur pour slalomer au-dessus
des linéaires !
Fort heureusement, il y a des
rencontres providentielles : « voulez-vous que nous fassions nos
courses ensemble ? », propose cette jeune femme. S’il n’était que de
se servir dans les rayons mais il faut aussi atteindre la machine à peser les
fruits et légumes dont les touches sont inaccessibles pour une personne en
fauteuil ! C’est
l’occasion de bavarder de tout et de rien, d’échanger des idées de recettes et
de découvrir chez « l’aidant » une formidable envie d’être utile, de
se lâcher un peu, de faire une parenthèse, de laisser du temps au temps. – Qui
aide l’autre en fait ?
Pour quelques gestes experts dans
les rayons se dévoilent, par petites touches discursives, des tranches de
vie : l’expérience du handicap chez un proche atteint de la maladie de
Parkinson, l’immobilisation forcée après un accident de voiture, la difficulté
de faire ses courses quand on pousse un landau avec des enfants en bas âge. Au
détour d’une banalité, la découverte de l’autre apparaît dans ce qu’elle a de
plus personnelle.
De ces rencontres flash,
instantanées, il n’en reste apparemment pas grand-chose, tant elles sont
spontanées qu’elles se font presque oublier. Il n’est pas ici question de
solidarité, de compassion, de grands mots, mais tout simplement de rapports
humains.
Texte
extrait de l'ouvrage Handicap, un challenge au quotidien,
Cesarina Moresi, Philippe Barraqué, éditions Jouvence,
2007, ISBN 978-2-88353-572-5 - Tous droits de traduction,
reproduction et adaptation réservés pour tous pays.
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